La légendaire solidarité des gens de mer peuple l'inconscient collectif. On imagine aisément de courageux marins s'élançant sur des flots déchaînés pour, au mépris de leur propre vie, épargner celle d'un inconnu naufragé. Si le sauvetage des vies est une réalité, le partage de la ressource côtière en est une autre où solidarité n'est pas forcément le "maître mot".
       Les plans de sortie de flotte successifs et son corollaire : le prix exorbitant de l'occasion, ont incité de nombreux patrons à acquérir des unités plus petites ; le développement anarchique de certains métiers, filets, chalut à perche ; la raréfaction du poisson au large ; la flambée des prix sur les espèces fines, tous ces éléments ont renforcé la pression de pêche dans la bande côtière.
Du non-respect de la réglementation, du manque d'accord et de concertation, du caractère désuet de certaines lois, de la police des pêches inexistante, du manque d'une politique des pêches forte, résultent une belle anarchie dans la zone des 12 Mn. On fait tout et n'importe quoi et comme souvent, "c'est au plus fort la pouc". Les problèmes de cohabitation sont exacerbés, la gestion de la ressource quasi inexistante. Il n'est que de voir les problèmes liés à la coquille et à la solette.
       Le tableau brossé peut paraître un peu noir. Certes, il existe des pêcheries encadrées où des accords de cohabitation qui fonctionnent très bien, signe qu'un dialogue permet de trouver des solutions. Les accords avec les caseyeurs anglais sont un bel exemple de cohabitation réussie. Mais il ne s'agit pas là de zones côtières. Des efforts considérables sont déployés par les CRP pour susciter de tels accords avec parfois un certain succès. Mais souvent de cette réalité "virtuelle" à la pratique en mer, il y a un fossé.

       Pourquoi gérer la bande des 12 Mn ? De nombreux facteurs poussent à une gestion :

       -biologiques : la bande côtière est une zone fragile de reproductions, de nurseries. Elle est aussi très sensible aux rejets en mer.
       -économiques : 80% de la flottille française fait moins de 12m. Ce n'est certainement au large que ces flottilles trouveront le poisson à mettre dans leur cale. Cette flottille est aussi très liée à l'activité touristique des ports.
       -sociales : la vie des ports, l'économie littorale est dépendante de l'activité des côtiers. Ces unités emploient pl
us et génèrent à terre plus d'emplois que la pêche au large. Elles maintiennent dans les ports une activité journalière et des apports de poisson extra-frais nécessaires aux marchés de proximité et à la restauration. On retrouve ici l'économie du tourisme.
Rogoff Dimitri, 04/00.
       Les rapporteurs ont fait 10 propositions pour une meilleure gestion des 12 Mn. Elles sont intéressantes et pour certaines audacieuses. Nous en reparlerons. Voici quelques morceaux choisis :
Limiter la taille et la puissance des navires accédant aux 12 milles. Comme c'est le cas dans divers pays de l'Union européenne, il conviendrait de poursuivre la réflexion sur l'interdiction de la bande des 12 milles à des navires au-delà d'une certaine taille et/ou d'une certaine puissance. Proscrire certains engins de pèche. Certains engins de pêche (dragues à dents, casiers à parloir .. ) posent problème à cause de leur impact sur le milieu et les ressources. Il conviendrait, en concertation avec les organisations professionnelles, de faire un inventaire de ces engins et de définir les conditions de leur disparition (licences non cessibles ... ).
Réglementer la pèche aux filets. Les rapporteurs ont ressenti une demande de réglementation de la pêche aux filets, et notamment les longueurs autorisées par navire, y compris de la part des intéressés. La difficulté est que cette aspiration est formulée de manière générale et diffuse, sans propositions précises. Pour être satisfaite, il faudra faire appel à des solutions techniques originales (pour la mesure des filets mis à l'eau par exemple), Il y a là un véritable problème qui dépasse d'ailleurs le cadre français...
Instaurer des parcs, réserves, cantonnements. Cela implique la prise en compte de questions d'ordres social et/ou économique sur le milieu naturel et son usage et doit relever d'une approche consensuelle permettant de définir entre partenaires reconnus les objectifs, les ambitions et les usages possibles des zones protégées.
Mieux réglementer la pêche de plaisance.
Confirmer l'interdiction du chalutage dans la bande des 3 milles : son interdiction doit être maintenue sur l'ensemble du littoral et les nombreuses dérogations dont il bénéficie doivent être revues de manière systématique. Bon nombre de ces activités de chalutage en zone côtière ne sont rentabilisées qu'au travers de pratiques non conformes aux réglementations nationales et européennes. Leur pratique se fait au détriment de l'intérêt général des professionnels eux-mêmes. La solution passe ici par un examen détaillé des justifications des dérogations (notamment celles qui autorisent l'utilisation de petits maillages), de l'extinction de celles qui posent problème, de la mise en couvre dans certains cas particuliers et limités d'engins ou de techniques de pêche réellement sélectifs et ciblant certaines espèces particulières.
Définir un schéma national des extractions. La croissance des demandes nouvelles de permis miniers apparaît préoccupante, à la fois par les quantités mais aussi par le caractère épars des zones proposées...
Fixer des conditions précises de rejet en mer des sédiments de dragage. Il convient de fixer aux collectivités responsables des ports, des règles de rejet en mer lorsqu'à proximité se trouve une zone conchylicole ou aquacole, d'intérêt halieutique ou touristique. Les missionnaires proposent que dans un premier temps, dans le cadre de directives générales interministérielles et après avis scientifique, les préfets fixent des périmètres autour des zones concédées où tout rejet de vases de dragages est interdit.
Renforcer et conforter le rôle des organisations professionnelles. Les rapporteurs ont relevé l'émergence très nette des comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins, dont le rôle s'accroît comme interlocuteurs des collectivités territoriales et de l'État et comme lieu privilégié de défense globale des intérêts de la profession...
Pallier au manque de moyens des CRPM. Apporter, au sein des structures professionnelles, une attention accrue aux questions de gestion des ressources et d'environnement. Les rapporteurs ont regretté qu'un certain nombre de comités régionaux aient peu soulevé les questions environnementales, aussi bien sur un plan général (qualité des eaux) qu'au plan de la ressource. Il a semblé que cette situation amenait à un manque de propositions constructives pour la gestion des pêches en zone côtière, notamment pour juguler la surexploitation des ressources et la surcapacité de capture et résoudre les conflits qui en découlent. Il existe par ailleurs trop de non-dits de la part de certains CRPM face à des pratiques regrettables (captures de juvéniles, pêches dans des zones interdites, non respect des maillages ... ) ou des attitudes très passionnelles sans recherche de compromis raisonnables lors de débat avec d'autres usagers des écosystèmes côtiers (dépôts en mer de produits de dragage par exemple). Cet aspect rejoint le dernier point évoqué : le manque de moyen des comités régionaux ne leur permet pas toujours d'élaborer une réflexion et une stratégie d'action dans ce domaine.
Procéder à un toilettage des textes réglementaires régionaux. L'un des problèmes auquel se sont heurtés les missionnaires est le volume et la complexité considérables des textes réglementant la pêche en zone côtière. D'où des difficultés de compréhension, d'application et de contrôle, voire des divergences d'interprétation entre les services de l'État. Cette situation est encore compliquée par le jeu des dérogations de toutes sortes, notamment dans la bande des 3 milles. Une mise à plat de cette réglementation permettant de faire un état des lieux devrait être faite, afin d'envisager une refonte des textes, compris et acceptés de tous. Mener des actions énergiques contre les fraudeurs. Il faut développer les moyens de contrôle, actuellement insuffisants, mais aussi l'adhésion de la profession à cet objectif. Ce qui passe par des actions de formation et d'information. Les organisations professionnelles devraient envisager la possibilité de se porter partie civile dans les cas d'infraction grave à la législation des pêches par des fraudeurs d'origine nationale.
Consolider les concertations pliaisance/pêche professionnelle.
Mener des actions énergiques contre la « fausse » plaisance.
Il est réaffirmé l'intérêt du maintien d'un vrai réseau des ports de petite pêche implanté sur tout le littoral. Mais cette politique doit s'accompagner de deux éléments :
Revoir les listes de pointe de débarquement autorisées. Il est nécessaire de mieux maîtriser les points de débarquements effectués hors des criées. L'existence d'un certain nombre d'entre eux, proches des criées, totalement inadaptés ou non utilisés ne se justifie pas...Les Corécode devront également étudier les possibilités d'organisation du ramassage des produits débarqués vers des lieux de vente fonctionnels.

Beaucoup de choses dans ces propositions, on comprends aisément le manque actuel de reglementation à la lecture de toutes ces recommandations. On perçoit également le caractère utopique et démagogique de certains qui se prétendent dépositaire d'une pêche responsable ou raisonnée.
Long, long, sera le chemin qui mennera le pecheur vers l'harmonie avec la nature et ses congénères...NDLR

Vérifier l'état sanitaire des produits vendus et mettre en place des Instruments de vente adaptés. L'acceptation de vente et de commercialisation en dehors des halles à marée doit s'accompagner d'une réflexion portant sur les conditions de mise en marché des produits débarqués. Surtout, les conditions du contrôle sanitaire par les services vétérinaires sont à préciser.
Conserver la polyvalence et la diversité des métiers. Cette polyvalence est à conserver à travers une série d'acfions: expliquer à la Commission européenne l'intérêt pour un même navire de pratiquer plusieurs métiers...Rester très attentif sur la question du chalutage côtier et favoriser le développement de chaluts sélectifs.
Veiller au maintien d'un équilibre entre pèches hauturières et côtières
Après un mouvement des patrons armateurs qui allaient du côtier vers le large en augmentant la taille de leur navire, l'on assiste aujourd'hui à une évolution contraire...
Même si cette proposition est de nature à compliquer encore la gestion des PME, les différentes régions doivent essayer de conserver cet équilibre.